samedi 24 août 2019

À mes garçons

Salut les gars,

Au moment d'écrire ces lignes, je suis conscient de votre existence depuis déjà quelques mois.

La surprise et la joie initiales découlant de cette erreur de la Nature miraculeuse se sont quelques peu estompées, quoique je me retrouve encore dans ces moments lucides et incrédules où une joie immense m'envahit le cœur à la simple pensée de votre arrivée prochaine.

Ces doux moments voisinent des élans de fierté, le poids de la responsabilité et la peur de l'inconnu.

Je suis fier de vous. Vous êtes encore au chaud dans votre univers, à jouer au ballon avec la vessie de votre mère, et pourtant je suis déjà fier de vous ! Je suis fier de qui vous êtes : des frères, des amis, des fils, des petits-fils, des neveux, des cousins, des humains, des expériences conscientes, des acteurs de votre milieu, des partenaires, des amants, des pères…

Cet horizon de possibilités, à l'aube de votre venue au monde, m'élève à des pointes de fierté jamais encore atteintes. Je pressens qu'elles seront largement dépassées dans les années à venir par vos actions au quotidien et vos réalisations.

Si mes trippes et mon cœur sont ainsi élevées, mes épaules, elles, ressentent le poids de la paternité. Détrompez-vous les gars ! Ce poids n'est pas celui d'un boulet qu'on vous attache à la cheville pour brimer votre liberté d'avancer. Bien au contraire ! C'est celui du sac du routier, comprenant l'équipement et les vivres de ses compagnons, et qui demande à son porteur de redoubler d'ardeur, de considération et de sacrifice sur son chemin pour être de service à ceux qui le suivent. C'est le poids de l'honneur et de la mission : l'honneur d'avoir été choisi pour votre éducation et votre protection.

Vos futurs amis Robin et Élio

Votre arrivée prochaine va chambouler notre vie de manière qui m'est encore inconcevable ! Cet inconnu me coupe parfois le souffle, accélère mon rythme cardiaque et humidifie une partie de mon cou. J'accueille cette peur avec bienveillance car je sais qu'à son origine se trouve un amour inconditionnel pour chacun d'entre vous. Je la remercie car elle m'oblige au changement de certaines habitudes et à la déconstruction d'un schème de pensées qui avait fait son temps - j'aime m'adapter à de nouvelles réalités et l'expérience me démontre que ces situations font ressortir mes meilleures qualités.

Je me calme aussi en sachant que je fais face à cette nouvelle vie avec la plus extraordinaire des partenaires. Dans les derniers mois, j'ai découvert chez votre mère une résilience que je lui savais, mais que j'avais peu aperçue depuis le début de notre histoire. Je vois et ressens tout l'amour qu'elle vous porte et la force de caractère de la monarque affectueuse qu'elle est. En toute partialité, vous avez gagné à la loterie des mères, les gars !

Photo de famille

Votre vieux père est pas mal non plus...

On se voit en octobre ! Continuer à travailler vos petits corps et à envoyer votre maman sur le trône aux quinze minutes - je trouve ça très drôle !

Tout mon amour.

Papa





mercredi 15 octobre 2014

Débarque matinale

"La chute n'est pas un échec. L'échec c'est de rester là où on est tombé." Socrate

Ayoye.

Je me le suis dit intérieurement.

Je l'ai pensé et, malgré la force de l'impact, aucun son n'est sorti de ma bouche. Sauf peut-être celui de l'air emmagasiné dans mes poumons expiré subitement.

*OUF*

J'ai pris une bonne inspiration et me suis relevé mi-stoïque, mi-orgueilleux. Mes yeux ont fait l'inspection rapide des dégâts : un pantalon déchiré, un genou et un coude écorchés, une bouteille d'eau éclatée, une poignée de frein un peu tordue, un réflecteur dévissé, une veste un peu sale. Rien qu'un peu de gaze, mon compost, un bac de recyclage et Claude au bike shop ne sauront régler.

Je me surprends à sourire à l'idée que ça doit bien faire quatorze ans que je ne suis pas tombé de vélo. La dernière fois, je devais avoir ça, quatorze ans ; j'avais foncé dans une vieille Pontiac stationnée au coin de ma rue, par habitude du trajet et parce que je regardais par-dessus mon épaule au tournant, plutôt que devant.

La voiture que j'ai voulu laisser passer sur cette rue étroite alors qu'une autre arrivait en sens inverse s"arrête. Sa conductrice en descend et m'interpelle.

" Wô, ça va ? Méchante débarque !

- Ça va, que je réponds en souriant. Rien de cassé.

- J't'ai vu revolé... En tout cas, merci d'avoir voulu me laisser d'la place !

- De rien. Merci d'vous être arrêtée. Ça devrait aller !

- OK. Bonne journée, puis elle se remet en route.

Je ramasse le réflecteur et son écrou de plastique et les mets dans ma poche de veste ; à 7h48, ils ne sont pas des plus pratique et puis je pourrai les replacer en arrivant au boulot. Je tire les restants de ma bouteille d'eau au recyclage ; heureusement, c'est pas les bacs qui manquent le jour de la collecte au village. Je teste mes freins ; tout semble en ordre malgré l'espèce de rictus que fait maintenant mon guidon.

Je note que les déchirures de mon pantalon s'ensanglantent à une bonne allure. Fuck le paraître pour aujourd'hui. Au mieux, ça fait une bonne anecdote à raconter aux collègues.

J'enfourche ma monture et me remets à pédaler.

Mon cœur a repris son rythme d'avant la chute, ma respiration a repris sa calme alternance et mes lèvres ont repris leur sourire : tout va bien.

mardi 7 octobre 2014

Solo-Vélo-Tofino - Lettre d'intention

 "And so it turned out only a life similar to the life of those around us, merging with it without a ripple, is genuine life, and that an unshared happiness is not happiness" - Boris Pasternak


Cher entourage,

Je t'écris aujourd'hui car je veux initier le contact, te parler de moi (pas trop, tu vas apprendre que c'est pas dans mes habitudes), te partager un projet que je chéris depuis des années et pour lequel je vais avoir besoin de ton aide.

J'ai reçu au courant de l'été un nom. Lors d'une cérémonie, dont je ne peux te parler outre que pour nommer son existence, les gens avec qui je m'implique dans l'éducation (à la dure) de notre jeunesse depuis deux ans m'ont offert un totem, que tu connais déjà si tu lis ces lignes : Éléphant accessible.

Si tu n'es pas familier avec le totem scout, je t'apprendrai ceci : l'animal qui compose le nom est une métaphore de ta personnalité et la qualité, selon les saveurs locales, représente un acquis ou une qualité à atteindre. Dans la cas de mon groupe, dans un esprit de continuelle amélioration, nous suivons le second cas de figure.

J'ai été flatté par l'éléphant, qu'on m'a présenté comme un être groundé, à l'écoute, une force tranquille par le seul fait de sa présence, un animal grégaire qui s'acclimate bien de la solitude. Il m'a fallu un peu plus de temps pour apprécier l'accessible. Pourtant, tu m'avais souvent fait la même remarque ; il faut croire que l'on entend la vérité selon le contexte et les humeurs.

Tu m'as aussi déjà reflété que j'étais humble et c'est peut-être par manque d'amour propre dans le passé, mais il m'a fallu du temps pour comprendre que j'avais du pouvoir, que mes actions, mes idées et mes sentiments pouvaient faire une différence, que j'étais le changement que je voulais voir.

Je comprends un peu mieux maintenant et je remercie les membre du clan de la Cigogne d'avoir eu la sagesse de me demander de m'ouvrir, de partager, de faire le pas vers l'autre.

Après réflexion, je me suis rappeler qu'il n'y avait que lors d'excursions (au propre comme au figuré) bien en dehors de ma zone de confort que je m'étais toujours révélé à moi-même grâce au contact obligé avec l'autre.

Et c'est dans cet esprit que je veux réaliser une idée qui me trotte dans la tête depuis bientôt dix ans : un grand voyage en solo, le strict nécessaire dans un sac et vivre au gré de mes rencontres et de petits boulots. Je choisis le vélo comme moyen de transport parce que je veux te montrer qu'il est possible de voyager autrement et parce que... bin j'aime ça le vélo !

Vois-tu, j'ai la conviction profonde, malgré tout ce que le mode de vie occidental et les médias ont voulu m'apprendre depuis que je suis tout jeune, que le monde est bon. Et j'ai la ferme intention de vous le montrer, à toi et au monde. Le format reste encore à choisir, mais je veux faire ce voyage-là pour moi et pour toi. C'est la seule façon qui a toujours fait du sens pour moi : je ne vois aucune utilité à ne servir que mon ego alors que le partage de la connaissance est rendu si facile à notre époque.

Bon, je prévois tout de même en profiter pour vivre quelques expériences enrichissantes et wild. Sans te gâcher tous les punchs, je veux t'avouer quelque chose que je ne t'ai jamais dis : j'envie la vie de surfer... Le réveil matinal, le contact avec l'élément naturel numéro 1 de notre planète et de notre corps, la recherche d'équilibre en surfant les vagues, ça m'parle ! Vas-y, tu peux bien rigoler - de toute façon tu m'as appris que si je ne vaux pas une risée, je ne vaux pas grand chose. Il paraît qu'il y a de belles vagues à Tofino.

Pour réaliser ce projet, je vais avoir besoin de ton aide. Pas nécessairement tout de suite, mais tout au long de ma préparation : des trucs à trouver, des gens à rencontrer, des choses à apprendre. Et je vais faire appel à tes savoirs, à ta générosité (t'inquiète, je ne te demanderai pas de dons), à ta capacité à me mettre en lien avec de l'information. D'une certaine façon, mon expérience commence dès maintenant et tout le support que tu vas me donner pour m'aider dans ma préparation créera la première banque de données !

Merci à l'avance pour ton support et ta confiance.

Éléphant

mardi 23 septembre 2014

Lettre à mon filleul

Salut Gabriel,

Je sais que la lecture c'est pas encore ton truc, mais à la façon dont je te vois dévorer des yeux ton livre sur les animaux, je suis confiant que le jour où tu pourras lire cette lettre et les suivantes n'est pas lointain.

Au moment d'écrire ces lignes, on ne se connaît pas encore très bien et j'espère, avec le temps et la vie, corriger le tir. Une chose que tu dois savoir c'est que j'aime la route : j'ai l'âme nomade d'un voyageur et je vibre le plus intensément quand j'allonge les kilomètres pour aller à la rencontre et de la vie, de la nature et des humains.

Aujourd'hui, j'ai pris la route depuis le cœur des Laurentides jusque dans la partie occidentale des Cantons de l'Est pour venir te rencontrer, voir comment tu avais grandi depuis notre dernière rencontre et prendre un temps de répit en compagnie de deux personnes que j'aime et respecte de tout mon être : tes parents.

Laisse-moi, premièrement, m'enthousiasmer devant tes nouvelles prouesses de petit homme de vingt-deux lunes : tu cours, danses, ris, lances des roches à l'eau, du bois au feu et du carton au recyclage, dis "Merci", "Auto" et "Animaux", grimpe, es à l'écoute de ton petit frère fraîchement arrivé et à l'écoute de ton cœur et j'en suis ahuri ! Je vois tous les espoirs d'une espèce dans un si petit être et tu sembles déjà vivre la vie humaine si franchement !

Je t'envie un peu car ta société est pour l'instant ta famille et que celle-ci t'apprend la confiance et l'amour ; la mienne me semble beaucoup plus disparate et dysfonctionnelle et tente de me pousser vers la peur, l'abrutissement, l'aliénation et la mort avant son temps. J'espère que le jour où tu écrira à ton/a filleul/e, ta société sera plus équilibrée et saine que la mienne.

Je voulais aussi que tu saches comment j'admire ton père, ta mère, tes parents.

Samuel est un homme bon, convaincu, que je vois tracer son chemin, contre parfois ses propres repères, mais toujours guidé par des valeurs qu'il sait justes et humaines. Il sait prendre soin et protéger ce qui est sien de tout l'homme qu'il est tout en ayant gardé le cœur d'enfant que je lui ai toujours connu.

Mélanie est une femme généreuse et continuellement tournée vers le bien-être des siens et de son entourage. Elle défend avec vigueur l'éducation qu'elle croit le mieux pour ton frère et toi.

Ensemble, ils collaborent pour bâtir une vie à leur image et les côtoyer me donne espoir dans les familles qui voient et verront le jour dans l'aube de ce siècle.

Demain, je t'ébourifferai les cheveux, t'embrasserai le front et reprendrai la route jusqu'à notre prochaine rencontre. Sache que, malgré ma présence plutôt parsemée dans ta vie, mes pensées se tournent souvent vers toi et ta famille et que je tente de laisser ma trace sur ce monde pour que tu puisses en profiter plus que moi.

À plus, p'tit homme !

lundi 11 août 2014

Communauté

As-tu déjà vibré au rythme d'une communauté
Senti que tu appartenais à un lieu, un groupe vivant, un état d'esprit
Que tu transcendais ton environnement
Et que lui battait au plus profond de ton être

J'ai eu une courte route lors des deux derniers jours
J'ai été joué dans ma cour arrière
Parc entremêlé de pistes d'homme, de seigneurs enracinés,
De lacs paisibles, de leurs écoulements et d'élévations rocheuses

C'est en m'éduquant à proximité de ces dernières que je l'ai sentie
En testant mon équilibre par des jeux de corde et au bout d'elle
En partageant cette majestueuse route verticale avec d'autres
Et justement parce que nous savions que nous la partagions

La communauté par le partage de l'expérience, de l'espace, du temps
La communauté par le respect de l'expérience, de l'espace, du temps
La communauté par l'équilibre entre l'expérience, l'espace et le temps

Parce que sans elle, tu peux marcher le pas léger jusqu'à la mort certaine
Parce qu'avec elle, je peux marcher avec le poids des gens, des générations
Mais que si je marche droit, c'est eux qui me porteront après ma mort

vendredi 8 août 2014

Choisir le moment présent


Quand tu prends le temps d'être conscient et à l'écoute du moment présent, tu as la chance de vivre. Au sens propre.
Hier, j'ai laissé mon char stationné.
J'ai rencontré la faune du métro, très jolie en cette fin d'été.
À la sortie de la station, j'ai observé quelques instants la carte du quartier.
J'ai marché pour me dégourdir.
J'ai trouvé un parc et je me suis assis sur un banc pour travailler un plan de camp au milieu des écureuils, des pique-niqueurs, des acrobates, des amoureux, des yogis et coureurs.
J'avais faim, donc j'ai été cherché une poire au marché.
J'ai croisé un orchestre de rue et me suis arrêté pour les écouter.
J'ai médité un instant en bordure du flot pédestre de la rue Laurier.
J'ai participé à une réunion avec des bénévoles au grand cœur et à l'imagination débordante.
De retour à mon véhicule, j'ai constaté l'heure : j'ai trouvé que j'avais fais assez de route pour la journée et j'ai couché dans mon char.
Ce matin, mes courbatures cherchent tes mains : j'ai plutôt été courir avec le levant et les moineaux.
"La route est devant ta porte. La route est un choix. La route te définit."